Il avançait paisiblement dans la vie, il allait avoir cette année 70 ans, il était tellement vif, tellement pétillant, que nous étions peu à connaître son âge.
Cela fait plus de 25 ans que nous avions pris l’habitude de rencontrer sa silhouette sur nos courses pédestres, Claude était un phénomène il ne passait pas inaperçu, il avait un sens aigu du contact, lorsqu’il entamait une conversation son corps entrait en action chaque mot était traduit gestuellement, un pas en avant, deux en arrière et les mains et les épaules, je ne vous dit pas.
Il y en aurait des choses à dire sur ce personnage hors du commun, qui apostrophait tout le monde. Avec le coureur ou avec le politique il trouvait toujours un terrain favorable à la tchatche.
Une anecdote parmi tant d’autres, cela faisait quelques temps qu’il venait au magasin en regardant la 902 de New Balance, il savait tout sur la chaussure et sur ses concurrentes, il avait lu toutes les revues pour s’en faire une idée. Un jour il a franchit le pas, il s’est payé ce cadeau, ce luxe, juste avant d’aller courir à St Jean de valériscle. Mais voilà à St Jean de Valériscle à mi-parcours notre Claude s’est pris une gamelle juste à côté du cimetière c’était le samedi. Le lundi à la première heure, il était au magasin pour me faire un compte rendu gestuel de sa course, en voici le récit à quelques mots prêt… « Depuis longtemps je cours avec des 835, elles sont habituées à ma personne et à mon allure… J’ai fait une erreur samedi en mettant des chaussures neuves, elles étaient trop neuves, trop rapides pour moi. A un moment sur le parcours il y eu un obstacle je ne l’avais pas encore vu que mes jambes étaient déjà dessus. Quand je m’en suis aperçu il était trop tard et patati et patatras j’étais par terre, à cause de ses chaussures neuves mes jambes allaient plus vite que ma tête. » Imaginez vous au magasin, il racontait son histoire à qui voulait bien l’entendre, d’ailleurs que vous le vouliez ou pas il fallait l’écouter.
Il pouvait se poser des heures pour parler de tous les sujets qui lui tenaient à cœur, parmi ses passions il y avait la course à pied et la musique, il enchaînait pas de course et pas de danse, air pur des Cévennes et air jazzy, rock, folk ou autres.
Il lui est arrivé de franchir le seuil de mon magasin à 14 heures pour n’en repartir que vers 17 heures, pendant ce laps de temps, il avait parlé de course à pied, il avait fait le point sur les résultats du week-end en s’attardant sur ses connaissances, il était revenu sur le passé, ce temps pas si lointain ou il côtoyé Jean Bourgeois qui l’a particulièrement marqué et il apostrophait les clients « vous êtes de ou ? De Ste Anastasie ? J’y ai joué pendant des années pour la fête du village, avec tel orchestre, vous vous souvenez ? La fête à toujours lieu ? »
Car notre ami Claude était Batteur de profession il a joué avec les plus grands orchestres, notamment celui de Claude ALMERAS, qui ne manque pas de me parler de Claude lorsqu’il passe au magasin.
D’un simple coup d’œil ont ne voyait pas en lui un athlète fragile, frêle, il avait des épaules carrées, des jambes affûtées. Des épaules de déménageur, non pas du tout des épaules de batteurs plus exactement. Car chez lui bien au centre de la maison trônait sa batterie et dès qu’il le pouvait, baguettes à la main, il frappait sur ses tambours ce qui lui a occasionné pas mal de petits soucis avec son voisinage. Les jambes quant à elles rythmaient la mesure, et lorsqu’il laissait tomber la batterie c’était pour aller faire le tour de ville. Claude pouvait être au Nord d’Alès à 9h, pour se retrouver au Sud à 11h et ainsi de suite… il avançait sans cesse à la rencontre d’une âme charitable avec qui il allait faire un brin de causette, et le plus fort il me disait « René quand je suis en ville, je suis obligé de me cacher pour ne pas être vu, je ne te dis pas de conneries. Dès qu’une personne me voit elle me parle, et si je lui réponds je suis mort je n’arrive plus à m’arrêter, je crois qu’ils le font exprès »
Son principal handicap autant dans sa vie professionnelle que dans sa vie sportive a été sa réticence à passer le permis de conduire, de ce fait il lui fallait toujours compter sur une bonne volonté pour l’accompagner par ci, par là, cette absence de cette petite feuille rose lui faisait voir la vie différemment, il marchait constamment, il connaissait Alès comme personne, il connaissait tout le monde…
Mercredi Claude est venu sur le stade de la Prairie, son docteur lui avait déconseillé la course pour le moment. Alors il est venu marcher, comment bloquer un hyperactif victime d’hypertension ? Il s’est posé, seul sur son terrain de jeu, victime d’un AVC qui aura finalement emporté la victoire après quelques jours de lutte.
Au revoir Claude et bonne route…
Et si dans l’au-delà il y a une autre vie, je suis sur que tu trouveras à qui parler. J’espère pour eux qu’ils s’étaient préparés à t’accueillir…